Le Khomus, la guimbarde yakoute, est un don de mes ancêtres1
Spiridon Shishigin est un virtuose yakoute de la guimbarde, appelée Khomus dans la langue sakha
Directeur d’une grande école au sud de Iakousk, il est l'un des personnages qui ont joué un rôle prépondérant dans le renouveau de la guimbarde en République Sakha, la Yakoutie. L'un des premiers Sakhas à jouer à l'étranger, il a notamment interprété en 1995 la bande son du film "Chamane" de Bartabas. Dans son style, il a préservé le "jeu long", une technique ancienne oubliée par la jeune génération. Spiridon participe en tant que musicien à des cercles d’autorégulation, des nouveaux rituels lors desquels des personnes peuvent retrouver la guérison ou se découvrent de nouveaux dons et talents.2
« J'ai commencé à jouer du khomus à l'âge de dix ans, lorsque j'étudiais à l'école et que je vivais dans le village de Tabaga, où vivait et travaillait le célèbre forgeron S.I. Gogolev-Amynniyky. Au début, j'étais simplement intéressé à produire différents sons, puis plus tard, lorsque j'ai entendu Ivan Egorovitch Alexeev à la radio, j'ai été émerveillé par la beauté de sa technique et la vivacité de jeu du célèbre khomusiste et j'ai commencé à imiter sa façon de faire. Au cours de mes années universitaires, en jouant dans l'ensemble "Algys" sous la direction d'Ivan Egorovich, lorsque nous avons rassemblé des idées de compositions ensemble, j'ai commencé à porter plus d'attention au contenu du jeu, et j'ai essayé d'ouvrir sur des thèmes plus précis.
Lors de mes tournées en Europe occidentale, j’ai réalisé que seuls les peuples qui préservent et transmettent la langue et la culture, de génération en génération, vivent et perdurent. Je me consacre donc maintenant à faire connaître pleinement la musique du khomus, et la partager le plus possible au monde, en particulier aux enfants, pour qu’ils apprennent à jouer de cet instrument.
Et je suis fier que ce soit la musique d’improvisation des khomusistes yakoutes, qui a amené les gens du monde entier à s’intéresser à nouveau à la guimbarde. Et c'est le centre yakoute, autour duquel se réunissent des passionnés, des spécialistes, des scientifiques qui travaillent à la revitalisation et à la recherche des propriétés cachées et du potentiel irrévélé de la musique du khomus. En tant que membre à temps partiel du conseil d'administration du Centre international du Khomus, je reçois des lettres de nombreux amis du monde entier avec des messages de gratitude pour ce travail commun de passionnés qui diffusons la musique du khomus.
Le khomus est un instrument très ancien, que l’on retrouve dans le monde entier, mais seul quelques pays ont préservé le statut originel de cet instrument et nulle part ailleurs la musique du khomus n'est autant aimée que dans la République Sakha, la Yakoutie. Le Khomus est un instrument très simple, qui peut trouver sa place dans votre paume de la main, et qui offre une multitude de possibilités, les plus riches et profondes, pour exprimer les émotions de son interprète. »
« Cet instrument vous permet de jouer à la fois des mélodies et de reproduire même des paroles de chansons qui peuvent être distinctement entendues, et c'est le seul instrument avec lequel vous pouvez faire une déclaration d'amour à quelqu'un.
Comme aucun autre instrument, lorsqu'un khomusiste effleure chaleureusement ses joues et anime sa langue ainsi que son souffle, la musique résonne tendrement et sincèrement. Et à chaque saison de l'année, la musique du khomus, vous pemet de sentir les fleurs, le vent printanier et la nature qui s'éveille, vous pouvez même entendre le chant joyeux d'un coucou et d'une alouette.
Pour le peuple Sakha, le khomus est un amplificateur d’émotion positive. En jouant du khomus, vous pouvez dissiper la mélancolie et la tristesse, vous pouvez guérir et soigner diverses maladies. La musique du khomus vient directement du cœur de l'interprète et c'est pourquoi elle a une influence positive sur le corps humain, elle aide à révéler ses capacités cachées.
Jouer du khomus est toujours une improvisation unique, propre à chaque interprète, à son humeur au moment de l’interprétation pour les auditeurs. Il est difficile, voire impossible, de décrire la beauté de la musique du khomus. Vous ne pouvez comprendre qu'après avoir écouté une performance live d'un khomusiste qui joue spontanément, intuitivement.
Les forgerons, les personnes les plus respectées, fabriquent des khomus. Les forces énergétiques et spirituelles positives de ces personnes, sont préservées dans leurs gènes et imprégnées dans la langue du khomus, elles renforcent ainsi l'énergie de la musique du khomus, créant une vague de vibrations puissantes, vivantes, dotées d'un gigantesque pouvoir magique, ouvrant sur des opportunités créatives irrévélées pour la personne qui joue. C'est tout naturellement que les enfants participants au concours « Les sons enchanteurs de Khomus » se sont révélés et exprimés dans leurs œuvres : peintures et compositions. »
« Jouez du khomus, étudiez l'histoire du khomus, écoutez la musique du khomus, créez de la musique avec le khomus et pourquoi pas participer à des concours ! Et j'en suis sûr, vous ressentirez une réelle et profonde joie en communiant avec cette magie, vous ressentirez de la fierté pour votre peuple qui a préservé cet art magique pour toute la civilisation mondiale. »
1 PLAY THE KHOMUS, Spiridon Shishigin, 2015 (méthode d’initiation au khomus)
2 CD Black N’Light, Jaw's harp of the Sakha People. Musicotherapy from the Siberian North ; Spiridon Shishigin, 2013 Borealia